Dépressions de l’enfant et de l’adolescent
Présentation
La dépression se caractérise par une perturbation négative et durable de l’humeur (c.f glossaire), avec malaise psychique diffus.
Pour qu’il s’agisse de dépression véritable il faut d’abord que cette altération de l’humeur atteigne une intensité telle qu’elle entraîne des conséquences importantes :
- sur la vie psychique : tristesse, perte d’estime de soi, sentiment d’impuissance ;
- sur la vie somatique : altération du sommeil, de l’appétit ;
- sur la vie relationnelle : repli, évitement des rapports humains, manifestations de colère ou d’agressivité ;
- sur la vie scolaire : baisse structurale des performances scolaires, attitude d’évitement ou de désintérêt par rapport à l’apprentissage.
Il faut ensuite que cette altération de l’humeur se prolonge : on différencie la dépression, qui s’inscrit dans la durée et/ou la répétition, des épisodes dépressifs, limités dans le temps. Ces derniers peuvent d’ailleurs souvent être compris comme forme d’adaptation à la réalité (prise de conscience qu’on ne peut pas tout), ou réaction naturelle à des environnements hostiles.
La possibilité qu'aura l'enfant d’élaborer et de surmonter les situations qui se trouvent à l’origine de son état dépressif s’avère le plus souvent étroitement dépendante des aides qui lui seront fournies : aides psychothérapeutiques, éducatives, pédagogiques. Le risque de ne pas être soutenu est particulièrement important pour les enfants qui manifestent leur souffrance par le silence.
L’action des enseignants est donc d’abord préventive : repérage des manifestations de souffrance psychique, des changements brusques de comportement, attention bienveillante manifestée à l’enfant chez lequel on les observe.
La relation entre situation scolaire et états dépressifs chez l’enfant
La relation entre la baisse des résultats scolaires et les troubles dépressifs s’avère fréquente, sans qu'on puisse dire où est la cause, où est la conséquence, ni affirmer la spécificité absolue de ce lien : les difficultés de tous ordres (difficultés d'apprentissage, difficultés d'intégration, troubles de la conduite, comportement d'enfant « trop sage ») sont des indicateurs, voire même des expressions symptomatiques de la dépression, plutôt que des facteurs de risque. Les éléments sémiologiques de la dépression (baisse ou perte de l'estime de soi, sentiment d'impuissance) sont en effet en jeu dans l'échec à l'école. Et cette dernière peut contribuer à entretenir, voire même à accentuer les facteurs de risque lorsqu'elle stigmatise un échec ou une chute des résultats, majorant ainsi la perte de l'estime de soi. Par contre elle joue un rôle de protection, de prévention, lorsqu'elle fournit aux enfants les moyens de répondre à ses exigences, et qu'elle met en oeuvre une pédagogie de renforcement positif des acquis.
Comment se manifeste un enfant dépressif à l’école ?
Une altération importante de l’humeur, qu’elle soit progressive ou brutale, constitue un élément d'indication important, même s’il ne suffit évidemment pas à lui seul pour caractériser un état dépressif. La persistance de l’état est également à prendre en compte, ainsi que la souffrance reliée à la perte et/ou au sentiment d'impuissance.
- Perte des intérêts habituels ou de curiosité : « Je m'en fous » , « J'en ai rien à faire », « J'ai envie de rien » ;
- Perte de l'estime de soi, sentiments d’impuissance, de culpabilité, de honte : « Je suis nul » ; « J'y arrive pas », « Je suis méchant », « C'est de ma faute », « J'ai honte » ;
- Sentiment de n’être plus aimé : « Mes parents ne m'aiment pas », « C’est toujours de ma faute » ;
- Evaluation négative de ses productions, de ses capacités : « Je n'y arrive pas, c'est trop dur », « Je ne comprends rien » ; « Je sais pas, je m'en rappelle pas » ;
- Sentiment diffus de désespoir, pouvant aller dans certains cas jusqu’à des idées de mort ou de suicide. Soulignons pourtant, concernant ce dernier point, que le suicide n’est pas significativement corrélé à la dépression chez l'enfant : on ne saurait en aucun cas conclure à un risque important de suicide ultérieur en fonction d’un état dépressif de l’enfance (tel est au contraire, malheureusement, le cas avec la dépression « adulte ») ;
- Difficulté à se concentrer et à penser entraînant soit un évitement ou un refus du travail scolaire, soit l’obstination à passer, sans résultat, de longues heures sur les livres et cahiers. Dans les deux cas, on aboutit à une insatisfaction importante.
Une irritabilité, voire une excitation débordante allant jusqu'à l'épuisement peuvent alterner avec des moments d'inertie motrice. Avec l'âge, l'instabilité, l'irritabilité, les comportements colériques peuvent devenir prépondérants.
Des troubles de l'appétit peuvent également s'observer : plutôt un comportement de restriction alimentaire dans la petite enfance, plutôt un comportement de boulimie chez le grand enfant et le pré-adolescent. Le sommeil est difficile à trouver, avec parfois même des refus d'endormissement et/ou des cauchemars.
Les changements d’attitude de l’enfant corrélatifs de la dépression sont souvent perçus de façon diffuse par les parents : « Il n'est plus comme avant », « Je ne le reconnais pas ». « Il n'est jamais content, jamais d’accord ». Ce genre de propos fait écho à la perception négative que l’enfant a de lui-même – mais risque de concourir à l’entretenir.
Fréquemment d’ailleurs la perte d’intérêt à l’égard de l’environnement et les résultats scolaires médiocres sont interprétés par l’entourage comme une recherche de facilité, ou une paresse. Cela aussi risque d’alimenter le sentiment dépréciatif que l’enfant a de lui-même, au moment même où il a surtout besoin de retrouver confiance en lui, de recouvrer le plaisir d’expérimenter et d’apprendre. L’attitude qui convient le mieux dans ce type de circonstances est donc plutôt celle d’un accompagnement bienveillant, intéressé et patient.
Quelle position pédagogique ? Pour l’enseignant, il s’agit de ne pas confondre une réaction dépressive, qui peut être adaptative et passagère, avec des états dépressifs plus importants, qui nécessitent une prise en charge spécifique – thérapeutique, psychothérapeutique, éducative – et peut-être un projet scolaire adapté. Pour ce faire, l’enseignant sera attentif aux différentes attitudes, verbales et comportementales, de l’élève, ainsi qu’à leur permanence dans le temps. La persistance des « je suis nul », « j’ y arrive pas », « c’est pas beau ce que je fais », « j’ai encore raté » peuvent, on l’a vu, légitimement alerter.